Le législateur belge rédige une vaste loi fourre-tout visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme. À travers cent quarante-trois articles, cette loi fourre-tout modifie vingt-cinq lois et codes en matière de justice.
Il s’agit entre autres de modifications de :
• le Code d’Instruction criminelle
Les modifications sont diverses. Elles prévoient notamment d’étendre l’accès du procureur du Roi au Point de contact central de la Banque nationale de Belgique (« le PCC »). Actuellement, une demande d’informations au PCC par le procureur du Roi n’est possible que lorsque les informations concernent le terrorisme, le blanchiment et certains cas de fraude fiscale. Ces restrictions sont levées, ce qui donne au procureur du Roi davantage de possibilités dans le cadre d’autres infractions. Il bénéficie désormais des mêmes possibilités qu’un juge d’instruction.
Ensuite, les pouvoirs d’investigation du magistrat EPE sont étendus lorsqu’il mène son enquête pénale d’exécution. Ainsi, le magistrat EPE (ou le service de police requis) peut désormais accéder au PCC de manière autonome (c’est-à-dire sans l’intervention de l’OCSC ou des receveurs du SPF Finances).
Les modifications visent uniquement à aligner la terminologie sur celle du Code des sociétés et des associations.
• la loi du 15 mars 1874 sur les extraditions
La loi sur les extraditions est modifiée à la suite de l’accord signé le 28 juin 2006 entre l’Union européenne, l’Islande et la Norvège concernant la procédure de remise entre les États membres de l’Union européenne et l’Islande et la Norvège. Cet accord est entré en vigueur le 1er novembre 2019 et vise à faciliter l’accomplissement des formalités de remise des personnes suspectées ou condamnées dans le cadre d’une procédure pénale. La version actuelle de la loi de 1874 sur les extraditions, qui s’applique dans les relations avec un État tiers à l’Union européenne, n’était pas compatible avec la procédure de remise que prévoit l’accord.
• la loi sur les drogues (loi du 24 février 1921 concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, psychotropes, désinfectantes ou antiseptiques et des substances pouvant servir à la fabrication illicite de substances stupéfiantes et psychotropes)
Le législateur introduit, à titre de nouvelle peine autonome, l’interdiction temporaire d’entrer dans un ou plusieurs ports belges à l’égard des personnes qui ont été condamnées pour une infraction liée aux drogues (telles qu’énumérées dans la loi du 24 février 1991). Le juge détermine de manière autonome le délai de l’interdiction temporaire, lequel ne peut excéder vingt ans, et motive explicitement ce délai.
L’interdiction de port comprend tant une interdiction de lieu qu’une interdiction professionnelle, puisqu’elle peut être imposée comme peine autonome à quiconque vient ou travaille dans le port. Elle ne vise toutefois que les infractions avérées liées aux drogues. L’interdiction de port ne peut être imposée si le tribunal requalifie les infractions, en association de malfaiteurs, par exemple, ou en vol.
Les finalités du Registre Central des Actes authentiques Dématérialisés des huissiers de justice (CRAD) sont élargies. Le Code judiciaire mentionne désormais explicitement que le CRAD vise à faciliter l’exécution des missions légales et des tâches des huissiers de justice, à contrôler leurs activités et améliorer leurs missions, et à collecter et traiter les données statistiques.
Ensuite, les procédures de candidature et de nomination à un poste vacant d’huissier de justice sont modifiées. Dans le cadre de la procédure de nomination des huissiers de justice, il est explicitement mentionné que l’examen des conditions de recevabilité des candidatures relève de la compétence du ministre de la Justice au moment de l’introduction de celles-ci, et non des commissions de nomination pour les huissiers de justice, compétentes toutefois pour contrôler la condition de nomination.
Le législateur entend également s’attaquer aux abus de la procédure en récusation. C’est pourquoi la possibilité d’infliger une amende en cas de demande de récusation d’un juge manifestement irrecevable ou manifestement non fondée est inscrite dans le Code judiciaire.
Enfin, le juge de paix reçoit un accès au PCC. Par le biais des informations déjà contenues dans le registre central de la protection des personnes et de celles disponibles via le PCC, le juge de paix aura une vision effective et complète du patrimoine de la personne protégée ou à protéger et pourra détecter plus rapidement des fraudes dans la gestion de ce patrimoine.
• la loi du 16 mars 1968 relative à la police de la circulation routière
Le législateur entend rationaliser, au moyen de quelques modifications, la procédure de recours contre l’ordre de paiement. Avec l’utilisation croissante des ordres de paiement et, de ce fait, une augmentation des recours intentés contre ceux-ci, il est apparu dans la pratique que certaines dispositions de la loi n’étaient pas suffisamment claires, ce qui donnait lieu à des controverses dans la jurisprudence et créait une insécurité juridique. À titre d’exemple, il est explicitement prévu désormais que le paiement de l’ordre de paiement a pour effet d’éteindre l’action publique. Il est précisé que la requête doit au moins énoncer les motifs sur lesquels elle se fonde, car un grand nombre de requêtes n’indiquent actuellement aucun motif de recours. Enfin, les informations qui doivent absolument y figurer sont également précisées.
•la loi organique du 30 novembre 1998 des services de renseignement et de sécurité
Les membres effectifs de la commission administrative chargée de la surveillance des méthodes spécifiques et exceptionnelles de recueil de données par les services de renseignement et de sécurité reçoivent une prime lorsqu’ils effectuent des permanences. Le législateur donne à présent une base légale à l’octroi de cette prime aux membres suppléants qui assurent de telles permanences. Aucune base légale n’existait jusqu’à présent.
• la loi du 7 mai 1999 sur les jeux de hasard, les paris, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs
Le complément de salaire du président de la Commission des jeux de hasard est indexé. Le législateur veut également rendre impossible l’exploitation des paris par les faux libraires et les night shops.
• la loi du 29 mars 2004 concernant la coopération avec la Cour pénale internationale et les tribunaux pénaux internationaux
Toute une série de corrections linguistiques sont apportées dans un souci de meilleure cohérence du texte législatif. Des modifications interviennent également sur le plan du contenu, essentiellement dans un objectif d’efficacité procédurale.
• la loi de base du 12 janvier 2005 concernant l’administration pénitentiaire ainsi que le statut juridique des détenus
Le législateur crée une base légale pour la conservation en dépôt du document d’identité des visiteurs de prison. Une telle base légale n’existe pas pour le moment. L’arrêté royal du 25 mars 2003 relatif aux cartes d’identité précise à qui la carte d’identité doit être présentée, notamment à la police et, de manière générale, chaque fois que le titulaire doit apporter la preuve de son identité (tel qu’exigé à l’accueil de la prison). Toutefois, ces dispositions ne permettent pas, en tant que telles, de conserver la carte d’identité plus longtemps que le temps nécessaire pour connaître l’identité.
• la loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d’exécution de la peine
Outre quelques adaptations des renvois légaux, diverses modifications mineures sont apportées au contenu. Il s’agit principalement de clarifications. Il est expressément prévu, par exemple, que dans le cas d’une décision de placement dans une maison de transition assorti de conditions concernant la victime, ces conditions doivent également être communiquées à la victime.
• la loi du 8 juin 2006 réglant des activités économiques et individuelles avec des armes
Le législateur introduit une interdiction d’acquérir ou de détenir légalement des armes qui sont détenues en Belgique en violation de la loi sur les armes.
• la loi du 5 août 2006 relative à l’application du principe de reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires en matière pénale entre les États membres de l’Union européenne
Cette loi fait l’objet de très nombreuses modifications afin d’être mise en conformité avec le règlement (UE) 2018/1805 concernant la reconnaissance mutuelle des décisions de gel et des décisions de confiscation.
• la loi du 5 mai 2014 relative à l’internement
La loi fourre-tout permet que la décision prise par les juridictions d’instruction ou de jugement à l’égard d’un prévenu, d’un accusé ou d’un inculpé soit exécutée jusqu’à la décision définitive de la Chambre de Protection sociale. Actuellement, elle est exécutée au plus tard jusqu’à la première audience.
• la loi du 4 février 2018 contenant les missions et la composition de l’Organe central pour la Saisie et la Confiscation
Les missions internationales de l’Organe central pour la Saisie et la Confiscation (OCSC) sont modifiées à la suite d’évolutions supranationales.
• la loi du 23 mars 2019 concernant l’organisation des services pénitentiaires et le statut du personnel pénitentiaire
La loi permet désormais au chef d’établissement de donner une délégation à une autre personne – qui est en tout cas membre de la direction – pour l’exercice des tâches en cas de grève. Le directeur général de la direction générale des établissements pénitentiaires bénéficie en outre de la possibilité de déléguer à une autre personne le pouvoir de décider d’une interdiction d’entrée à l’égard d’un membre du personnel dont il estime que la présence dans la prison met en danger l’ordre ou la sécurité.
• la loi du 5 mai 2019 modifiant la loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d’exécution de la peine en vue d’adapter la procédure devant le juge de l’application des peines en ce qui concerne les peines privatives de liberté de trois ans ou moins
La modification apportée ici est d’ordre purement technique.
Le législateur fait en sorte que les effets du régime de protection judiciaire perdurent après la libération définitive de l’interné. Actuellement, ils cessent de plein droit à cette occasion. La cessation de plein droit du régime de protection judiciaire après libération de l’interné a pour effet de laisser systématiquement la personne libérée sans protection, du moins pendant un certain temps. Pour assurer à nouveau sa protection, une nouvelle procédure judiciaire doit être intentée par la personne à protéger, par toute personne intéressée ou par le procureur du Roi.
Entrée en vigueur : le 10 décembre 2021 (hormis quelques exceptions).
Source: 28 NOVEMBRE 2021. - Loi visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme,MB 30 novembre 2021, p. 115153.