À partir de 2021, des règles plus strictes entreront en vigueur pour les substances chimiques pouvant également être utilisées pour la fabrication illicite d’explosifs. L’Europe établira dès lors une distinction entre les « précurseurs existants, faisant l’objet de restrictions » et une nouvelle catégorie de « précurseurs réglementés », pour lesquels il n’y aura aucune restriction, mais qui seront soumis à une obligation de signalement. L’Union exige aussi que les opérateurs économiques, les utilisateurs professionnels et les membres du grand public forment mieux leur personnel afin de pouvoir intercepter plus rapidement les transactions suspectes impliquant des précurseurs. Le nouveau règlement a un impact sur la législation Reach.
Deux catégories de précurseurs
Le règlement 2019/1148 établit une distinction entre :
• | les précurseurs d’explosifs faisant l’objet de restrictions, soit les précurseurs de l’annexe I, et |
• | les précurseurs d’explosifs réglementés, soit les précurseurs de l’annexe II. |
Les précurseurs faisant l’objet de restrictions sont les précurseurs qui ne peuvent être mis à la disposition du grand public ni introduits, détenus ou utilisés par le grand public à des concentrations supérieures à certaines valeurs limites. Attention ! Selon l’Union, un « membre du grand public » est : « toute personne physique ou morale agissant à des fins non liées à son activité commerciale, industrielle ou libérale ».
La liste existante des précurseurs soumis à restrictions est complétée. L’acide sulfurique et le nitrate d’ammonium viennent s’y ajouter et la valeur limite du nitrométhane est modifiée. Désormais, le règlement comporte pour chaque substance une « valeur limite maximale aux fins de l’octroi d’une licence ».
Le nitrate d’ammonium figurait jusqu’à présent sur la
liste des restrictions de Reach (annexe XVII, n° 58). La substance est désormais supprimée de cette liste, mais relève dorénavant des règles applicables aux précurseurs d’explosifs.
Les substances réglementées pour explosifs sont des substances qui ne sont soumises à aucune restriction, mais dont les transactions suspectes doivent être signalées. Neuf substances dont l’acétone, le nitrate de potassium et les poudres de magnésium figurent sur la nouvelle liste des substances réglementées qui – en tant que telles ou dans des mélanges ou des substances – doivent donner lieu à un signalement obligatoire.
Libre circulation moyennant des restrictions
Tout comme aujourd’hui, les précurseurs soumis à des restrictions ne peuvent pas être mis à la disposition des membres du grand public ni introduits, détenus ou utilisés par ceux-ci.
Comme c’est actuellement le cas, les États membres peuvent déroger à ce principe à l’aide d’un régime d’octroi de licences. Mais ce n’est possible que si les concentrations de substances soumises à restrictions restent inférieures à une « valeur limite maximale aux fins de l’octroi d’une licence ». Désormais, une licence n’est plus valable que 3 ans maximum.
En outre, le membre du grand public doit avoir un intérêt légitime à acquérir, introduire, détenir ou utiliser des précurseurs d’explosifs. Dans le cadre de l’octroi de la licence, l’État membre devra par exemple vérifier s’il existe des alternatives ayant un effet comparable, si les précurseurs sont conservés de manière suffisamment sûre et si le demandeur de la licence n’a pas de casier judiciaire - « où que ce soit dans l’Union ». Les autorités compétentes échangeront dès lors des informations sur les condamnations pénales.
Ces restrictions ne s’appliquent pas pour les précurseurs réglementés.
Personnel compétent
Les opérateurs économiques qui vendent des précurseurs à d’autres opérateurs économiques (pour qu’ils puissent à leur tour les revendre) doivent informer ces acheteurs de l’existence des restrictions (substances de l’annexe I) ou de l’obligation de signalement (substances de l’annexe II). Cette disposition s’applique également lorsque la vente se déroule en ligne, via une place de marché en ligne.
Si leur destinataire est un utilisateur professionnel ou un membre du grand public disposant d’une licence, l’opérateur économique doit pouvoir démontrer que le personnel impliqué dans la vente des précurseurs réglementés sait quels produits en contiennent et qu’il est au courant de toutes les obligations légales : contrôle de l’obligation de licence, vérification de l’identité de l’acheteur issu du grand public, obligation d’évaluer si l’achat s’inscrit dans le cadre des activités commerciales, professionnelles ou libérales du candidat-acheteur, etc.
Cela put se faire au moyen d’une « déclaration du client », que les opérateurs économiques devront conserver pendant un délai minimal de dix-huit mois aux fins d’inspection. Le règlement comporte un exemple de cette déclaration.
Transactions suspectes et vol
Les opérateurs économiques et les places de marché en ligne mettent en place des procédures pour assurer le traçage des transactions suspectes et signalent les transactions suspectes dans les 24 heures au point de contact national. Le règlement énumère les conditions auxquelles une transaction est considérée comme suspecte : par exemple quand l’imprécision règne quant à l’utilisation prévue des substances chimiques, quand des quantités inhabituellement élevées sont commandées ou quand de gros montants sont payés en espèces.
Les opérateurs économiques et les utilisateurs professionnels signalent toute disparition importante ou tout vol important de substances réglementées dans les 24 heures. Les membres du grand public sont soumis à la même obligation de signalement pour les précurseurs soumis à restrictions.
Premiers intervenants, services d’inspection, policiers, douaniers et autres
Les États membres sont tenus d’élaborer un programme de formation particulier pour les services répressifs, les premiers intervenants et les autorités douanières afin de les aider à reconnaître les précurseurs réglementés et à réagir en temps utile et de manière appropriée aux activités suspectes. À cet effet, les États membres peuvent solliciter l’avis du Cepol, l’Agence européenne pour la formation des services répressifs.
Par ailleurs, les États membres organisent des actions de sensibilisation à l’intention de tous les secteurs où sont utilisés des précurseurs d’explosifs réglementés.
De son côté, la Commission européenne publiera des lignes directrices régulièrement mises à jour à l’intention des acteurs du secteur chimique et des autorités nationales compétentes. Ces lignes directrices comporteront des informations sur le stockage sécurisé des précurseurs, la reconnaissance des transactions suspectes, les mesures que l’on peut prendre en cas de vente en ligne, etc.
Les États membres peuvent aller plus loin
Les États membres de l’UE ayant des raisons de croire que des substances autres que celles figurant aux annexes I et II sont utilisées pour la fabrication illicite d’explosifs, que les valeurs limites applicables aux précurseurs soumis à restrictions sont trop élevées ou qu’une substance réglementée devrait être déplacée dans la catégorie des substances soumises à restrictions peuvent adopter eux-mêmes une série de mesures. La Commission européenne vérifiera alors dans les meilleurs délais si elle doit adapter le règlement.
À partir du 1er février 2021
Les licences actuelles restent valables jusqu’à leur expiration et au plus tard jusqu’au 2 février 2022. En dépit de l’interdiction de principe, les membres du grand public peuvent encore détenir, introduire et utiliser des précurseurs soumis à restrictions qu’ils avaient légalement acquis avant le 1er février 2021 et ce, jusqu’au 2 février 2022.