Dans son arrêt n° 158/2021 du 18 novembre 2021, la Cour constitutionnelle rejette en grande partie le recours en annulation dirigé contre la législation relative à l’anonymat des cartes téléphoniques prépayées et à l’obligation pour les institutions financières de collaborer à l’identification de l’utilisateur final de ces cartes. Sur un aspect bien précis, la loi attaquée n’est pas conforme à la Constitution, car elle ne détermine pas elle-même quelles données d’identification doivent être collectées et traitées et quels documents d’identification entrent en considération (violation de l’article 22 de la Constitution).
Conservation des données et accès aux données
Les données, et plus spécialement les données d’identification, les données relatives au trafic et les données de localisation, prennent une importance croissante dans le cadre des enquêtes. La collecte et le traitement des données supposent que celles-ci soient facilement disponibles et conservées chez de nombreux opérateurs, comme les opérateurs de télécommunications et les institutions financières.
Dans ce contexte, les principaux instruments sont la directive 2006/24/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006
(directive sur la conservation des données) et la loi du 29 mai 2016 relative à la collecte et à la conservation des données dans le secteur des communications électroniques
(loi sur la conservation des données). Mais une autre législation a également été adoptée afin de mettre sur pied et/ou faciliter la conservation des données et l’accès à celles-ci.
Ce qui caractérise cette législation, c’est son rapport tendu avec le droit à la protection de la vie privée et le droit à la protection des données à caractère personnel, ce qui ressort d’une jurisprudence abondante (entre autres celles de la Cour de justice et de la Cour constitutionnelle).
Recours en annulation de la loi du 1er septembre 2016
Un recours en annulation a été introduit contre cette loi, au motif qu’elle viole le droit au respect de la vie privée et familiale.
Annulation limitée par la Cour constitutionnelle et maintien provisoire
La Cour constitutionnelle annule la loi du 1er septembre 2016 dans la mesure où cette loi ne détermine pas elle-même quelles données d’identification sont collectées et traitées et quels documents d’identification entrent en considération (violation de l’article 22 de la Constitution).
La loi prévoit notamment une délégation pour régler par arrêté royal les modalités de traitement des données d’identification des utilisateurs finaux des cartes prépayées, ainsi que les modalités d’accès à ces données d’identification. Selon les parties requérantes, cette délégation est trop large et définie de manière insuffisamment précise. La Cour constitutionnelle leur donne raison : une délégation au pouvoir exécutif dans le cadre de la vie privée est compatible avec le principe de légalité, à condition qu’elle soit définie de manière suffisamment précise et concerne la mise en œuvre de mesures dont les éléments essentiels ont été fixés au préalable par le législateur.
Selon la Cour, l’article 127 de la
loi du 13 juin 2005, tel que modifié par l’article 2 de la loi attaquée du 1
er septembre 2016, ne satisfait pas à ces exigences, dans la mesure où il ne détermine pas quelles données d’identification sont collectées et traitées et quels documents d’identification entrent en considération.
Toutefois, les effets de la disposition annulée sont maintenus jusqu’à l’entrée en vigueur d’une disposition légale énumérant ces données d’identification et documents d’identification, et au plus tard jusqu’au 31 décembre 2022.
Il convient de noter que la Cour constitutionnelle considère que l’obligation pour les banques et les institutions financières de collaborer à l’identification de l’utilisateur final d’une carte téléphonique prépayée est compatible avec le droit au respect de la vie privée et familiale, puisque les règles de procédure contiennent des garanties suffisantes.
Entrée en vigueur : annulation partielle, mais maintien des effets juridiques jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle législation, et au plus tard jusqu’au 31 décembre 2022.